Le samedi 8 septembre 2018

SACRÉ VÉGÉTAL | Société française d’ethnopharmacologie

Programme

9h : Introduction

9h15 : De la découverte des champignons divinatoires du Mexique aux psychedelic studies
Dr. Vincent Verroust, EHESS, Centre Alexandre Koyré (Paris)

10h : Cannabis, société et réglementation
Pr. Pierre Champy, Lab de Pharmacognosie, Université Paris Sud

10h45 : Pause-café

11h15 : L’armoise, une «vulgaire» plante magique
Dr. Christian Labat, docteur en socio-ethnologie, Université de Lorraine

12h : Déjeuner

14h : Évaluation de l’ayahuasca dans les traitements anti-addiction du centre Takiwasi au Pérou
Anne Denys, Ecole de Santé Publique, Université de Lorraine, Nancy

14h45 : Aspects historiques et socio-anthropologiques de l’usage du peyotl au Mexique
Alessandro Stella, CNRS - CRH (EHESS-CNRS), Paris

15h30 : Pause-café

16h : Usage de la sauge blanche dans les groupes néo-chamaniques en France et en Italie
Dr. Denise Lombardi, docteure en anthropologie, Université de Lorraine, Nancy

16h45 : Table ronde avec les intervenants de la journée


Résumé des interventions


  • Vincent Verroust
    De la découverte des champignons divinatoires du Mexique aux psychedelic studies

    Le Professeur Roger Heim (1900 - 1979) du Muséum national d’Histoire naturelle était l’un des mycologues les plus éminents de son temps. En 1953, son amitié avec un couple d’ethnologues indépendants états-uniens, Robert Gordon Wasson (1898 - 1986) et Valentina Pavlovna Wasson (1901 - 1958), lui permit prendre part à la découverte, au Mexique, de rituels d’absorption de champignons psychotropes appartenant à différentes espèces, pour la plupart alors inconnues de la science. Cette découverte allait susciter des investigations pluridisciplinaires, en particulier dans le domaine de la thérapeutique psychiatrique. La prohibition des substances hallucinogènes, dès 1966, mit momentanément un terme à ces recherches, avant qu’un renouveau, souvent qualifié de "renaissance psychédélique", ne leur redonne, depuis une quinzaine d’année, toute leur importance, notamment pour le traitement expérimental de la dépression, de l’anxiété et des addictions. Les expériences spirituelles ou mystiques que peuvent provoquer le principe actif de ces champignons semblent déterminer le succès thérapeutique. Elles semblent également induire des modifications de la personnalité, voire des opinions politiques ! Considérer les perspectives ouvertes par la découverte des champignons divinatoires du Mexique offre donc une belle occasion de discuter conjointement de science, de culture, de religion, de morale et de politique ainsi que de revivifier la mémoire de Roger Heim, ce grand homme de science, humaniste et naturaliste encore trop méconnu.

  • Pierre Champy
    Cannabis, société et réglementation

    Cultivée depuis 5000 à 6000 ans, l’espèce Cannabis sativa L. (Cannabaceae) a constitué une plante médicinale de première importance et une source de fibres majeure pour l’Homme. Elle est intimement mêlée à différentes facettes de l’histoire de l’humanité : spirituelle, culturelle, agricole, technologique, médicale, politique, économique, hédoniste, toxicomaniaque, criminelle.

    Élaborant des cannabinoïdes, composés rares aux activités multiples, notamment dépresseurs de la sphère centrale, le cannabis est actuellement une source de principes actifs médicamenteux employés dans des pathologies lourdes : extrait standardisé (nabiximols [DCI]), Δ9-THC (delta-9-tétrahydrocannabinol, dronabinol [DCI]), CBD (cannabidiol, avec le statut de médicament orphelin en Europe).

    Classé comme stupéfiant par l’ONU dans la convention de 1961, le cannabis voit son statut évoluer rapidement à l’échelle mondiale : sa production est majoritairement illicite (herbe, haschich) mais ses usages thérapeutiques ou récréatifs sont tolérés ou légaux dans plusieurs pays, avec une complaisance parfois notable. D’autre part, des ambiguïtés réglementaires amènent sur le marché européen des produits de statuts très variés contenant du cannabis ou ses constituants. Dans un contexte de consommation illicite massive et de banalisation médiatique, la désacralisation de cette plante en Occident est certaine, à la croisée de multiples enjeux de santé publique et de morale.

  • Christian Labat
    L’armoise… Une plante vulgaire ?

    Artemisia vulgaris : armoise commune / artémise / absinthe sauvage / herbe ou ceinture, couronne de Saint-Jean ou de Jean-Baptiste / herbe de feu / herbe aux cent goûts / pied d’alouette…

    C’est à Artémis, déesse lunaire des Grecs qui se confond avec la Diane des Romains, en dehors de la chasse, que cette plante doit son nom. Elle a pour mission principale de porter secours aux femmes dans leurs maladies tant en régularisant leur cycle lunaire qu’en les assistant lors des accouchements… (Les matrones faisaient des cataplasmes d’armoise qu’elles posaient sur le ventre de la parturiente pour « faciliter » l’accouchement).

    Plante féminine, gynécologique par excellence déjà reconnue par Hippocrate, Pline et Dioscoride… Elle passait pour être un talisman contre la fatigue, les mauvais esprits, et les animaux sauvages, conseiller au voyageur, marcheur… (s’en mettre sous la plante des pieds). Les Gaulois l’appelaient « Ponema ».

    L’armoise est utilisée (Moxas) en (Moxibustion) par les praticiens chinois, japonais, pour l’acupuncture… régularisant les flux d’énergie et résorbant les douleurs… Sa contre-indication : le Thuyone qui se développe quand elle a sa montée en fleur vers le solstice d’été (à la Saint Jean).

    Le prix Nobel de Médecine 2015 fut attribué à la chercheuse chinoise Youyou Tu pour ses recherches sur l’Artemisia annua, puissant remède pour lutter contre le paludisme.

    L’Artemisia vulgaris, une Plante Vulgaire - Très Populaire.

  • Anne Denys
    Présentation d’une prise en charge expérimentale utilisant la médecine amazonienne pour le traitement des addictions

    Problème de santé publique majeur partout dans le monde, l’addiction est un phénomène complexe dont la prise en charge se situe au carrefour de nombreuses disciplines. Les limites des thérapies classiques encore principalement pharmacologiques obligent à la poursuite de la recherche dans le domaine. En Amérique du Sud, des modes de prise en charge intégrant des techniques de médecine traditionnelle « chamanique » dans les protocoles de soins apportés aux sujets addictifs affichent des résultats impressionnants qui méritent d’être vérifiés.

    Le centre Takiwasi accueille à la fois des péruviens et des étrangers, et ce, pour divers types de dépendances. Sa méthode de traitement repose sur trois axes principaux en coordination permanente : le travail avec les plantes, un suivi médico-psychologique et la vie quotidienne. Durant les 9 mois de traitement, les patients participent à 22 sessions d’ayahuasca et font 3 diètes de 8 jours en forêt. Les prises de plantes dépuratives et le suivi psychologique sont constants tout au long du processus.

    L’apport des médecines traditionnelles sur le sujet pourrait permettre la mise en évidence de déterminants encore inconnus des addictions ou l’identification de représentations favorisant ces comportements. Ce que les sciences humaines et sociales nomment les « modèles explicatifs de la causalité du malheur » cachent peut-être certains déterminants de la santé encore mal compris. La médecine traditionnelle propose comme déterminant fondamental de la santé la reconnaissance du caractère sacré de la vie et de la nature. Elle garantirait à elle seule le développement de compétences psychosociales et l’insertion dynamique de l’individu dans son environnement par la découverte de sa voie d’expression personnelle et de sa place sur terre. L’expérience initiatique est pour cette médecine un des leviers principaux de cette prise de conscience. Elle permettrait à chacun, à sa manière, la découverte du sens profond de l’existence.

    Le rapprochement de chercheurs internationaux et de centres de traitement latino-américains utilisant l’ayahuasca comme élément thérapeutique dans le domaine des addictions a permis de formaliser un comité de recherche et une structure visant à organiser l’évaluation de ces pratiques. La recherche en cours doit permettre d’en vérifier l’efficacité et d’identifier les leviers opérationnels agissant sur le comportement et la structure de dépendance des patients.

  • Alessandro Stella
    La prohibition du peyotl et d’autres plantes magiques par l’Inquisition de Mexico (1620)

    La prohibition du peyotl, de l’ololiuqui, de la rosa maria et d’autres plantes stigmatisées comme poisons de l’esprit, visait l’interdiction de comportements personnels et de pratiques sociales vus par l’Église comme concurrents directs sur le marché du rêve. Dans la pensée inquisitoriale, c’était tout ce qui incluait la consommation du peyotl qui tombait dans la catégorie de l’hérésie à extirper. La déification du peyotl, tout d’abord, mis au centre du panthéon de plusieurs ethnies amérindiennes. Les vertus divinatoires attribuées aux effets du peyotl, ensuite, en antagonisme direct avec la doctrine chrétienne attribuant à Dieu lui seul la connaissance du futur et du destin des hommes. Aussi, les vertus médicinales conférées au peyotl, à la fois médicine du corps et de l’âme, portait atteinte à la doctrine de la séparation entre matière et esprit, conçue et enseignée par prêtres et moines, et au monopole de la religion sur l’âme des individus. Enfin, et de façon aussi importante que les précédentes, la pensée inquisitoriale avait la plus grande horreur des rituels collectifs de consommation, qui associaient à la prise de peyotl des chants, des danses, de la musique. C’était en fait tous les plaisirs sensuels qui étaient mis à l’index par l’Inquisition. Les rêves et les plaisirs dans ce bas monde étaient en antithèse d’une pensée religieuse fondée sur le paradis céleste et le rêve d’un au-delà. Autour du peyotl se jouait une confrontation entre monde magiques.

  • Denise Lombardi
    Usage de la sauge blanche dans les groupes néo-chamaniques en France et en Italie

    La Nature constitue une instance de premier ordre pour ceux qui se vouent aux pratiques dites néo-chamaniques. La mobilisation de la Nature est en effet nécessaire pour mettre en relation les différents éléments et ingrédients qui composent et donnent corps au chamanisme qui a actuellement cours en Occident. Le sens de cette Nature chamanique permet une résonance, ou réverbération, à plusieurs niveaux entre une nature extérieure se rapportant à l’environnement physique, et une nature intérieure qui transforme le corps des participants en un environnement immatériel à parcourir. S’appuyant sur une analyse fine de stages de néochamanisme en France et en Italie, cette communication portera sur les façons dont la Nature chamanique est envisagée et appelée par les participants. Ces derniers s’investissent dans plusieurs actions rituelles qui intègrent des éléments issus du monde végétal comme la sauge blanche. Au cours de fumigations, les effluves de cette plante considérée comme sacrée par les néo-chamanes sont utilisées pour la purification des participants et des lieux afin de permettre une communion avec le panthéon chamanique proposés au public occidental. Nous analyserons ici le rôle joué par cette plante à l’intérieur des rituels néo-chamaniques en France et en Italie.

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    Lieu : Cloître des Récollets

    Adresse : Rue des Récollets

    Ville : Metz

    Quartier : Quartier Centre et ancienne Ville

    Département : Moselle

    Région : Grand Est

    Pays : France

    Annoncé anonymement le mercredi 22 juillet 2020
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